L'histoire légendaire des philippines
L'archipelle des 7000 sourires
Il y a des millions d'années de cela, un grand oiseau blanc volait, majestueux, entre ciel et mer. Le soleil brillait de tous ses feux, les flots d'un bleu profond s'étendait à perte de vue.
Lorsque ses ailes furent fatiguées, l'oiseau chercha une île où il pourrait se reposer de son long voyage. Or, aucune terre ne se profilait à l'horizon. Il eut alors l'idée de provoquer en un combat singulier le ciel et la terre. Le ciel s'assombrit et déversa des torrents de pluie, tandis que la mer, en guise de bouclier, se couvrait d'innombrables récifs,
Lorsque la paix revint, ces rochers se transformèrent en autant d'îles verdoyantes où le grand oiseau blanc peu enfin se poser.
C'est ainsi que, selon la légende, naquirent les Philippines.
Comment pourrait-il en être autrement ? Comment, en dehors du surnaturel, justifier la profusion d'îles, d'îlots et d'atolls de cet arc d'émeraude tendu entre Pacifique et Mer de Chine ? Plus de 7000 îles ! Des grandes, des petites, et une multitude de cailloux coralliens et de langues de sables qui ne portent même pas de nom ! Exactement 4334 sur les 7101 îles ont été répertoriées aux Philippines.
Jadis, des isthmes, des péninsules reliaient l'archipel aux terres indonésiennes. Et c'est par ces ponts terrestres que plantes et animaux de Bornéo et des Celebes arrivèrent aux Philippines et les colonisèrent. C'est par ce même chemin que vinrent plus tard les premiers groupes d'hommes.
On estime qu'il s'agissait principalement d'Aëtas et de Negritos. Pygmées nomades du paléolithique, dont les très rares descendants sont de nos jours des aborigènes fort peu évolués vivant dans les hautes vallées perdues ou dans les clairières d'épaisses forêts.
Plus tard, quand l'eau des glaciers qui fondaient fit disparaître ces ponts naturels, d'autres hommes, venus d'Asie du Sud-Est par vagues successives, abordèrent par bateaux aux Philippines. Les derniers arrivés chassant toujours plus à l’intérieur des terres les premiers groupes établis le long du rivage et des plaines fluviales. On s'accorde à désigner sous le nom de « Malais » l'ensemble de ces migrateurs qui ont en commun des traits mongoliques prononcés.
Marchands chinois et arabes, dont le commerce se pratiquait par mer, s'établirent à leur tour dans certaines îles propices aux échanges et offrant des ports sûrs. Avec les Arabes, se propagea bientôt l'islam, principalement dans l'archipel des Sulu et à Mindanao.
Sous la poussée de conquérants toujours évolués, mieux outillés et moins timorés, les tribus anciennes refluèrent de plus en plus vers les hauts plateaux et les massifs montagneux qui les mettaient à l'abri des intrusions.
Beaucoup d'entre-elles restèrent ainsi isolées, vivant en autarcie totale, volontiers belliqueuses à l'égard des ethnies voisines ou s'opposant farouchement à toute domination étrangère.
C'est ce qui explique cette mosaïque de gens qui peuplent les Philippines, cette diversité de culture et de coutumes, qui pourtant proviennent toutes d'une même souche malo-polynésienne initiale.
On compte ainsi prés d'une quarantaine de groupes ethniques différents, vivant plus ou moins à l'écart, ayant leur identité propre, leurs traditions tribales, leurs droits coutumiers et leur dialecte particulier. Ils sont au nombre de 4 millions et demi, représentant le 1/10 de la population totale, et constituent ce que les Philippins appellent pudiquement « les minorités culturelles », difficiles à intégrer à la vie nationale, et plus difficiles encore à unifier ou à gouverner !.
Les îles sont diversement peuplées, selon leur relief, leur superficie ou leur ressources naturelles.
Ainsi, seules 1200 d'entre-elles sont habitées; les autres restant désertes et sauvages, ou n'étant visitées que pour récolter les noix de coco, y pêcher ou y faire sécher du poisson.
Les onze îles les plus importantes couvrent 95% de la superficie totale du pays, les deux plus grandes : Luzon au Nord, et Mindanao au Sud, totalisant à elles seules 65% des terres et 60% de la population !
Baignées de lumière et d'eau, parées des plus belles couleurs de la création, tapissées d'une végétation à la luxuriance inégalable, ces îles offrent des images pures de paradis retrouvé : côtes rocheuses battues par les vents et les embruns ou plages immenses de sable blanc frangées de palmes ; hauts plateaux embrumés, érodés à vif ou couverts de pins, vallées profondes ou s'étagent de millénaires rizières ou gorges sauvages où coulent de tortueux cours d'eau ; plaines industrieuses aux miroitants damiers à riz et aux bruissant champs de canne à sucre ; forêts géantes, profondes et ombreuses, où vit une profusion de fougères et de plantes aériennes, murmurantes courant le long des rivages infinis ; mangroves épaisses et inquiétantes le long d'estuaires vaseux ; baies radieuses, assoupies à l'ombre bleu d'un volcan ; falaises escarpées à nids d'hirondelles ; cascades grandioses, lacs profonds, lagons turquoise... tels sont les décors de ces Philippines aux milles séductions, aussi multiples et étonnantes que leurs habitants.
Pourtant ces joyaux de la nature sont aussi des îles de feu et de pluies qu'accompagnent des cataclysmes. L'archipel est en effet situé sur la célèbre « ceinture de feu du Pacifique » jalonnée de redoutables volcans, et il fait partie de la grande dorsale asiatique qui va de Sumatra et Java jusqu 'aux îles nippones.
Des équipes de chercheurs surveillent en permanence leurs quelques 12 volcans actifs des Philippines, qui en comptent au total une bonne trentaine, Ce volcanisme permanent en bordure des fosses abyssales du Pacifique où s'affrontent les plaques de l'écorce terrestre, provoque de très fréquents tremblements de terre, aux conséquences toujours dramatiques.
Et au feu des volcans, à la terreur des secousses telluriques, s'ajoute la fureur des déments. Les Philippines, placées au dessus de l’Équateur et en-dessous du tropique du cancer, se trouve en effet en grande partie dans la zone où de terrible typhons se déchaînent. Ils arrivent après la saison chaude du printemps et avant la saison sèche et tempérée de l'hiver, avec des pluies torrentielles de la mousson du Sud -Ouest, qui, de juillet à octobre, sévit toute la région de l'Asie marquée par un climat tropical chaud et humide. Les dégâts sont toujours importants, malgré les précautions que prennent les habitants, prévenus par radio, et en dépit de jolis noms donnés à ces typhons pour conjurer leur violence.
Mais qui dit volcan, dit terre généreuse, riche et fertile, et cette merveilleuse prodigalité de la nature a, d'une certaine manière, su ouvrir très largement le cœur des Philippins, peuple des plus chaleureux et des plus hospitaliers. Les calamités qui frappent régulièrement le pays et les aléas d'une vie toujours trop précaire ont forgé l'âme Philippine, douée d'une profonde sagesse... fataliste.